Est-ce que dans les années 70/71 après Jésus-Christ Fiscus Iudaicus eut une influence sur la séparation des chemins du judaïsme et du christianisme?

Est-ce que dans les années 70/71 après Jésus-Christ  Fiscus Iudaicus  eut  une influence sur la séparation  des chemins  du judaïsme et du christianisme? Etude historique et théologique

Au cours des dernières décennies, la recherche sur la séparation des chemins de l’Eglise et de la Synagogue au I et au début du II siècle est définie par une expression anglaise the parting of the ways. Ladite définition fut  propagée lors du colloque organisé à  Durham University en septembre 1989. Les documents de cette réunion ont été publiés sous le titre Jews and Christians. The Parting of the Ways A.D. 70 to 135. Le travail parut à  Tubingen en 1992. Le signe avant-coureur de ce terme technique du débat scientifique sur la  scission entre le judaïsme et le christianisme fut  le livre de James  Dunn, publié un an plus tôt et intitulé The Partings of the Ways: Betwe en Christianity and Judaism and their Significance for the Character of Christianity (et après réédité en 2006). Une réponse spécifique à ces deux positions devint l’article de  Judith Lieu paru dans  Journal for the Study of the New Testament intitulé  „The Parting of the Ways”: Theological Construct or Historical Reality?[1] Ensuite, en  2003 parut  le livre rédigé par Adam H. Becker et  Annette Yoshiko Reed, intitulé  The Ways that Never Parted: Jews and Christians in Late Antiquity and the Early Middle Ages. Les auteurs s’éloignent de la vision traditionnelle que vers la fin du I et au début du II siècle il y eut le désaccord total entre le judaïsme et le christianisme. Quelques contributions polonaises font partie de la présente étude, parmi lesquelles le travail collectif récemment publié  Jésus et les chrétiens dans les sources rabbiniques. Le livre rédigé par Krzysztof  Pilarczyk et Andrzej Mrozek vit la lumière du jour à Cracovie en  2012, dans le Cadre de la série  Esthétique et Critique, et parmi les auteurs se trouvent entre autres des experts chevronnés en  problématique  parting of the ways, comme W. Chrostowski, M. Wróbel ou E. Lipiński.

L’un des facteurs qui aurait pu, dans une certaine mesure, influer sur la rupture entre le  judaïsme et le  christianisme fut  l’introduction par l’empereur Vespasien de la taxe appelée  Fiscus Iudaicus[2]. La recherche sur le fait que l’impôt juif ait effectivement contribué à la séparation de l’Eglise et de la Synagogue se heurte au nombre relativement restreint de sources qui en parlent. Les scientifiques sont largement condamnés à des conjectures. Dans les années dernières, c’était Marius Heemstra qui aborda ce problème dans sa thèse de doctorat, publié à Groningue en 2009. Un an après, parut  encore une publication de cet auteur consacrée au problème nous intéressant. Elle fut publiée sous le titre  The Fiscus Judaicus and the Parting of the Ways (Tübingen 2010). Par contre, en ce qui concerne la Pologne, la question de Fiscus Iudaicus fut en partie abordée par  Jerzy Ciecieląg dans son livre consacré au soulèvement  Bar Kochby (Soulèvement Bar Kochby. 132 – 135 après le  Chr., Zabrze 2008).

Dans la présente réflexion qui prend le caractère d’une étude historique et théologique, nous nous posons la question si l’introduction de l’impôt  et son application a influé d’une quelconque manière sur la relation entre l’Eglise et la Synagogue, et si oui – quelle était la nature de cette influence. En cherchant dans l’analyse des matières – sources (mentions sur  Fiscus Iudaicus dans les écrits de Josèphe Flawiusz, Dion Cassius et Suétone),  la réponse au problème posé, nous nous arrêterons tout d’abord sur l’introduction de cet impôt par l’empereur Vespasien ainsi que sur les problèmes théologiques que cette taxe-là pouvait faire naitre chez les Juifs et chez les chrétiens ( menace de l’idolâtrie ), et ensuite sur les moyens de son application par les empereurs successifs jusqu’à la fin du premier siècle (exactement jusqu’à l’année 98 après J.- Chr.). Des fragments de textes  du Nouveau Testament, les réflexions des premiers Pères de l’Eglise et des anciens auteurs non chrétiens nous viendront en aide dans lesdites avalises. Et il serait très important d’essayer de préciser l’identité des personnes à qui fut  imposé l’impôt sous le règne des empereurs successifs  (Vespasien, Titus, Domitien, Nerva). Ce n’est que les résultats de ces analyses appliqués à la dynamique historique et théologique  (idéologique) de la séparation des chemins de l’Eglise et  de  la  Synagogue permettront de tirer la  conclusion si  Fiscus Iudaicus a effectivement contribué au  développement  du processus de  la séparation des deux communautés religieuses .

Introduction de Fiscus Iudaicus (70/71 après le Christ)

Après l’échec de la première insurrection juive (66-70/73 après Jésus-Christ), les Romains n’ont pas en général  appliqué de répressions religieuses envers les rebelles. La conduite pareille de l’occupant résultait non seulement des règles adoptées face à tous les  peuples conquis mais également de la conscience que sur le fond religieux, les descendants d’Abraham y sont particulièrement sensibles. L’unique conséquence  (en dehors de la confiscation de certaines terres) fut le changement de l’impôt payé sur le temple de Jérusalem  (étant en ruine)[3] en faveur de l’impôt appelé  Fiscus Iudaicus[4] et destiné au  temple de Jupiter sur le Capitole. C’était Vespasien, le fondateur de la dynastie des Flaviens qui l’imposa. Cela eut lieu  en  70, après la destruction du temple de Jérusalem par l’armée de Titus, donc avant la défaite finale de l’insurrection s’étant terminé par la chute de Massada[5]. Les analystes ne sont pas d’accord quant à la date exacte de l’introduction de l’impôt ; cela survint pendant  la seconde ou troisième année du gouvernement de Vespasien, alors en 70 ou 71 après Jésus- Christ.[6] Appelé à Rome par l’empereur, Joseph ben Mattathias qui doit  le nom de famille Flavien à Vespasien,  emploie les mots suivants pour décrire l’introduction de la taxe:

„César a envoyé à Bassus et à Liberius Maximus – le préfet de l’époque, une lettre contenant l’ordre de louer toutes les terres juives. En effet, il n’y avait fondé aucune ville autonome en gardant les terres pour lui–même. C’était seulement huit cents soldats méritoires qui eurent  un endroit où s’installer. Cette localité s’appelle Emmaus et est située à une distance de  trente miles de Jérusalem.  Il imposa alors  à tous les Juifs  où qu’ils soient, un impôt  de  capitation de deux drachmes qu’il fallait payer au Capitole comme ils le donnaient précédemment au temple de Jérusalem. Voilà l’état des affaires juives à l’époque.” (De bello judaico 7,218).

L’historien Romain Dion Cassius évoque également l’imposition de  Fiscus Iudaicus après la destruction de l’institution centrale du judaïsme biblique.[7]Voilà comment il en parle :

„Jérusalem fut  détruit exactement le  jour de  Saturne, la même journée qui est très vénérée par les Juifs jusqu’à nos jours. C’est à partir de  cette époque-là que ceux [les Juifs] qui observaient toujours les coutumes de leurs pères devaient  payer chaque année deux drachmes pour le  [le temple] Jupiter du Capitole ” (Dio Kasjusz, Historia romana 65, 7,2)[8].

Le temple sur Mons Capitolinus, l’une des sept collines de Rome fut  incendiée sous le règne de Vespasien en  69 et nécessitait la reconstruction.  Templum Iovis Optimi Maximi était non seulement la fierté de la capitale de l’empire mais aussi un musée où étaient stockées des offrandes votives les plus précieuses. L’incendie du temple devint  pour l’empereur l’occasion de changer sa politique fiscale envers les Juifs. Jusqu’ici ceux -ci se devaient de payer l’impôt de temple sur le sanctuaire de Jérusalem conformément à la Loi  („un demi-sicle, selon le sicle du sanctuaire ”, donc selon le modèle se trouvant dans le sanctuaire; Wj 30,13)[9]. L’imposition de Fiscus Iudaicus n’avait pas été  pas envisagée par les autorités romaines comme un moyen de frapper en premier lieu la religiosité des Juifs ; en effet cet acte fut  dicté par les facteurs économiques et politiques, et non pas religieux. Nous ne trouvons pas de documents ni de sources dans lesquels il serait clairement question d’interdire aux Juifs la reconstruction du temple après son effondrement en 70. Qui plus est, selon la littérature rabbinique, les Juifs jouissaient d’un accès libre sur la colline de temple  (Berakoth 3a). Il est difficile donc de citer les raisons pour lesquels ne furent pas été entrepris les travaux de reconstruction. Il se peut que ne soient entrés en jeu que des motifs financiers  ou le manque de leader convenable qui soit en état de faire agir la nation et mener des travaux pareils. Il est également possible qu’il s’agisse des facteurs religieux : c’est à Jérusalem que stationnaient des soldats romains et la population païenne y créait ses propres lieux de culte ; en résultat, toute la ville aurait pu être perçue comme impropre[10].

La nouvelle taxe payée sur le temple romain et  non pas sur celui de Jérusalem était de deux drachmes et à l’employé qui devint  collecteur d’impôt fut attribué le titre du  procurator ad capitularia Iudaeorum[11]. Autant l’ancien impôt de temple n’était acquitté que par les hommes âgés de vingt à cinquante ans, autant  fiscus imposé par Vespasien se rapportait à absolument tous les Juifs, y compris les femmes et les enfants[12]. Qui plus est, même les esclaves étaient obligés de s’en acquitter. Il existe des preuves que  Fiscus Iudaicus fut  payé par la diaspora juive en Egypte déjà en  71-72 après Jésus –Christ, donc tout de suite après la destruction du temple. Les textes sur les estracons de Edfou (à l’époque: Apollinopolis Magna) font supposer qu’en Egypte tous les Juifs jusqu’à l’âge de 62 ans étaient soumis à l’impôt[13]. Il est resté 71 factures confirmant le paiement de l’impôt par les Juifs égyptiens dans les années  71/72–116[14], ainsi que le papyrus d’Arsinoé de l’année 73 comprenant la liste des personnes devant payer Fiscus Iudaicus[15], tout comme le papyrus de  Karanis du milieu  du II siècle où l’impôt nous intéressant est également mentionné [16].

Menace de l’idolâtrie

Ni les Juifs ni les Chrétiens  (y compris les judéo-chrétiens) ne voulaient payer l’impôt sur le temple d’une idole païen car dans leur conviction cela pourrait équivaloir au fait de  commettre un péché d’idolâtrie. Dans le christianisme étant en train de s’enraciner, tout comme dans le judaïsme, l’idolâtrie était perçue comme l’un des principaux péchés. Contrairement aux croyances de Mésopotamie, tant les Juifs que les Chrétiens rejetèrent l’identification des dieux avec les esprits des morts[17].  Ils aboutirent à identifier les idoles  avec les démons. L’auteur du psaume 96 assurait que tous les dieux des païens étaient  «  vanité » (hebr. elîlîm ; BT traduit : „illusion”, Ps 96,5).  Elîlîm hébreux est en contraste visible avec Elōhîm (Dieu). Pourtant ladite « vanité « se transforme en démons dans la traduction de la Septante grecque: pantes hoi theoi tōn ethnōn daimonia. Et saint Jérôme  suivit  la même trace de la traduction: omnes dii gentium daemonia[18]. Dans sa correspondance avec les Corinthiens, l’apôtre Paul maintient la conviction sur l’identité des dieux et des démons: « Je ne veux pas que vous soyez en communion avec les démons. Vous ne pouvez pas boire à la coupe du Seigneur et en même temps à celle des démons; vous ne pouvez pas prendre part à la table du Seigneur et en même temps à celle des démons » (1Kor 10, 20b-21)[19]. Dans la même lettre, il convient que dans le milieu gréco-romain est reconnu l’existence de divinités adorées dans des sanctuaires ou des bosquets saints. En  référant à ces divinités le terme grec  kyrioi, l’apôtre souligne la relation de dépendance entre ces divinités  et leurs adeptes. En fait, ces dieux constituent seulement une partie de l’univers créé. Paul le rappelle aux Galates: « […] jadis, quand vous ne connaissiez pas Dieu, vous étiez esclaves de ces dieux qui, en réalité n’en sont pas » (Ga 4,8). Voilà ce que Philon d’Alexandrie écrivait à propos de la conception grecque des dieux: « Une grande déception s’est propagée sur la plupart de l’humanité […] Certains ont adoré quatre éléments: la terre, l’eau, l’air et le feu ; d’autres : le soleil, la lune, les planètes et les étoiles fixes; d’autres encore: le ciel même, d’autres : le monde entier. Mais l’Etre Suprême […],  qui garde tout en toute sécurité, ils l’ont perdu de vue” (De Decalogo 12, 52-54)[20].  Ainsi donc tant les Juifs que les chrétiens nourrissaient la conviction de l’existence d’un seul Dieu; Paul exprime clairement la foi de ces derniers avec les mots suivants: « pour nous, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et vers qui nous allons ; et un seul Seigneur, Jésus Christ par qui tout vient et par qui nous vivons » (1Kor 8,5-6; voir J 1,3; Kol 1,15-20; Hbr 1,2)[21]. Si d’un coté, l’apôtre reconnaît  que „dans le monde, une idole n’est rien du tout, il n’y a de dieu que le Dieu unique” (1Kor 8,4), de l’autre, il identifie les idoles avec les démons, il devient logique que les chrétiens éprouvent de la résistance morale  à payer l’impôt destiné à entretenir un temple de dieu païen

Cela soulève la question de savoir si les chrétiens évitaient à tout prix de payer  Fiscus Iudaicus, percevant cet acte comme un acte d’idolâtrie ou bien reconnaissant que Jupiter n’existe pas – ils payaient l’impôt en appliquant le principe  « rendre à Dieu  ce qui est à Dieu et à César, ce qui est à César » (voir Mt 22,21) pour éviter de la sorte des conflits inutiles avec l’autorité? Le manque évident de sources concernant ce sujet nous fait chercher la réponse à la question posée par analogie. Il paraît que le problème de se nourrir d’aliments offerts auparavant à dieux était analogique. Les habitants de Corinthe composaient avec le dilemme s’ils avaient le droit de manger la viande offerte à dieux ou s’ils devaient s’en retenir. Cette question était vitale à ce point  que Paul décida  d’y consacrer beaucoup de place dans la lettre adressée aux habitants de la commune (1Kor 8,1-13). Hésiode raconte dans la Théogonie les premiers sacrifices offerts aux divinités grecques. Il y parle du sacrifice fait  à Méconé à partir duquel naquit  la coutume de faire des sacrifices aux divinités  chtoniennes et à des héros. Il explique aussi pourquoi les os ainsi que la graisse des animaux étaient brulés et la viande- mangée par les hommes (Théogonie 535. 556)[22]. En principe, les sacrifices eurent lieu  à l’occasion des mystères (surtout ceux de dionysos et eleusis; et parmi les mystères de dionysos, les plus populaires étaient ceux célébrés à l’occasion des  antestéries–la plus grande fête en l’honneur de Dionysos)[23]; seuls les initiés y étaient acceptés, c’est-à-dire ceux qui eurent subi l’étape d’initiation[24]. Au fil du temps, la coutume du sacrifice animal s’est répandue aussi par rapport à d’autres divinités[25]. Dans des restaurants tenus à proximité des sanctuaires étaient vendus des repas préparés à la base de la viande sacrifiée auparavant   aux divinités. Ces repas ayant un  caractère sectaire, les chrétiens n’y prenaient pas part. Une partie de cette viande était pourtant vendue aux marchés, du coup, son achat ou sa consommation pendant les banquets dans des résidences privées suscitaient des questions légitimes si les disciples du Christ devaient manger une telle viande[26].

En réponse aux doutes des Corinthiens, Paul formule le principe selon lequel il est permis aux chrétiens de manger de la viande offerte  auparavant aux idoles mais il faut éviter le scandale. Si un repas pareil était la raison de la dépravation des « faibles »  (gr. asthenoi), il faudrait s’en retenir (1Kor 8,7-10).  Pour Paul, „les faibles” sont ceux des disciples du Christ dont la foi n’est pas suffisamment confirmée, mais leur conscience reste sensible[27]. Par souci pour ces faibles, on devrait se retenir de manger la viande offerte aux idoles. Le même  principe est répété par l’apôtre dans sa correspondance avec les Romains: « Celui qui a des doutes au sujet de ce qu’il mange est condamné parce qu’il n’agit pas par conviction. Tout ce qui n’est pas le produit d’une conviction est péché » (R. 14,23)[28].

En agissant conformément au  principe de l’analogie, on pourrait accepter la thèse que les chrétiens incités à payer Fiscus Iudaicus – conscients que les dieux païens n’existaient pas – pourraient acquitter cet impôt à condition de ne pas causer la dépravation des autres disciples du Christ. Si par contre, ils avaient à exposer leur conscience sensible au scandale de  commettre un péché d’idolâtrie, ils devraient alors s’abstenir de payer la taxe en s’exposant ainsi à des représailles de la part des autorités nationales. L’adoption d’une telle règle serait justifiée à l’époque où Paul écrivit  1Corinthiens, donc dans la moitié des années cinquante[29] (car c’est à cette époque que s’applique notre analogie) ; pourtant après l’introduction de  Fiscus Iudaicus la situation aurait pu changer. Mais il n’y a aucune matière d’origine qui pourrait confirmer ou nier un tel changement. Un peu de lumière sur cette question peut jeter seulement le fait qu’à la fin du premier et au début du second siècle, les chrétiens accusés d’athéisme et forcés de faire des sacrifices ou bruler de l’encens aux idoles païennes, ont souvent subi la mort de martyr en refusant de répondre à la demande des tortionnaires. Une telle attitude nous amène à la conclusion que si à la même période, les chrétiens étaient incités à payer la taxe sur le temple de Jupiter de Capitole, ils le refuseraient aussi en exposant leur propre vie au péril.

Pour souligner cette partie de nos réflexions, il convient de noter qu’après l’introduction de Fiscus Iudaicus, les chrétiens identifiés avec les Juifs (et par cela même l’impôt ne les concernait pas) avaient deux chemins à prendre: ils pouvaient acquitter cet impôt étant convaincus que les dieux païens n’existaient pas et ainsi, ils fuyaient les représailles de la part de Rome ou bien ils refusaient de payer la taxe et ce pour deux raisons: ils ne se sentaient pas (ou ne s’identifiaient avec les) Juifs et en même temps nourrissaient la conviction que payer le nouvel impôt avoisine le péché d’idolâtrie. Bien qu’à l’état actuel de la recherche,  il soit difficile de dire laquelle de ces deux attitudes prévalut, la réponse à cette question, quoique importante, n’est pas indispensable à la poursuite de notre étude. Beaucoup plus importante est la réponse à la question quels chrétiens étaient couverts, aux yeux des autorités romaines, par l’obligation de payer Fiscus Iudaicus  (peu importe s’ils s’acquittaient ou non  de cette obligation). La définition de ces groupes de contribuables est essentielle pour résoudre le problème fondamental de notre recherche et à savoir, pour répondre à la question si ladite taxe a contribué à la rupture entre l’Eglise et la Synagogue.

Exécution de l’impôt sous Vespasien et Titus (70/71-81 après  Chr.)

Les documents de source laissent supposer que les judéo-chrétiens[30] devaient acquitter  Fiscus Iudaicus du moment de son introduction par Vespasien. Les documents mentionnés ci-dessus trouvés en Egypte  montrent que la situation ne changea pas  sous le gouvernement de deux ans de Titus (79-81 après le  Chr.). Il a maintenu l’obligation de payer  Fiscus Iudaicus sans introduire davantage de réglementations ni en ce qui concerne les personnes couvertes par la taxe ni pour ce qui est de son montant.

Après l’échec de l’insurrection, le temple de Jérusalem tout en ruine est devenu pour les chrétiens  le signe de l’accomplissement des prophéties du Christ (Luc 21,5-11; par.) et de l’imposition d’une juste punition de Dieu à la nation qui eut  rejeté le Messie[31]. En dépit d’une telle perception du temple, les judéo-chrétiens étaient obligés de payer  Fiscus Iudaicus en tant que  fidèles de Moise. La taxation des judéo-chrétiens était associée à la manière dont l’empire romain percevait les disciples du Christ de provenance juive. D’un côté, pour les Romains, les judéo-chrétiens demeurèrent Juifs et c’était entre autres  la circoncision qui montrait  l’appartenance au judaïsme. De l’autre, les judéo-chrétiens bien qu’ils aient  abandonné de nombreuses coutumes juives et ne se sentaient plus liés à la Synagogue, ne rompirent  pas totalement  ces liens.

Qui plus est, beaucoup montre qu’à l’époque, Fiscus Iudaicus s’appliquait probablement aussi à certains ethno chrétiens, du moins dans les communautés où tous les chrétiens (que ce soit de provenance juive ou païenne) étaient perçus comme Juifs. Un tel incident se fut produit  une vingtaine d’années auparavant  à Rome d’où Claudius eut  expulsé les Juifs.  Suétone dit qu’il s’agissait des Juifs qui étaient source de préoccupation en raison d’un certain Chrestos (Iudaeos impulsore Chresto assidue tumultuantes Roma expulit; De vita caesarum,  Claudius, 25, 4)[32]. Si « Chrestos” se rapporte au Christ  (et aucun des chercheurs n’en doute)   il devient évident que le décret de l’empereur a embrassé non seulement les adeptes du judaïsme, y compris les judéo-chrétiens mais probablement aussi certains ethno chrétiens que l’on identifiait avec le judaïsme connaissant en son sein  le phénomène de prosélytisme[33]. En parlant des débuts de l’Eglise, les Actes des Apôtres attestent qu’après tout, les païens allaient eux aussi aux synagogues. Par exemple, à Antioche de Pisidie Paul était écouté dans la synagogue non seulement par les Juifs mais également par les „craignant Dieu” (gr. foboumenoi ton Theon; Act. 13,16.26). Il en était pareil à Athènes où dans la synagogue Paul discourait avec les Juifs et les Gentils. (Act. 17,17) ainsi qu’à Corinthe où parmi ses auditeurs il y avait „des Grecs „ (Act. 18,4)[34]. C’est pour cela qu’avec une certaine prudence nous pouvons supposer qu’à l’époque de Vespasien et de Titus  Fiscus Iudaicus embrassa tous les Juifs y compris les judéo-chrétiens et peut-être aussi certains disciples du Christ de provenance juive. Pour ces derniers, l’impôt devait être incompréhensible car avant de rejoindre la foi en Christ, ils ignoraient le plus souvent la religion juive et n’avaient rien de commun avec elle. Par contre, après avoir rejoint le christianisme, ils savaient bien les dispositions de l’assemblée des apôtres appelée le concile de Jérusalem (l’année 51 après  le Chr.)[35] Et les enseignements de Paul selon lesquels les Gentils devenant chrétiens non seulement n’étaient pas obligés mais ne devaient pas adopter les habitudes juives. La reproche de Paul adressée aux Galates : « Vous qui cherchez à vous faire déclarer justes par Dieu en accomplissant la Loi, vous êtes séparés du Christ: vous n’êtes plus sous le régime de la grâce » (Ga 5,4) constitue un excellent exemple de la stigmatisation de ceux des ethno chrétiens qui cherchent à devenir Juifs.

Comme preuve du fait que les disciples du Christ dérivés du polythéisme gréco-romain et du judaïsme devraient créer une seule communauté n’étant pas obligés d’adopter les coutumes juives, l’apôtre des nations rapporte une série de citations de l’Ancien Testament. Il les évoque  dans la lettre écrite vers l’année 56 à Corinthe et adressée aux habitants de Rome : « Accueillez-vous donc les uns les autres comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu. Car je vous le déclare: le Christ s’est fait le serviteur des Juifs, en raison de la fidélité de Dieu, pour réaliser les promesses faites à nos pères; quant aux nations, c’est en raison de sa miséricorde qu’elles rendent gloire à Dieu, comme le dit l’Ecriture: c’est pourquoi je proclamerai ta louange parmi les nations, je chanterai ton nom. Il est dit encore : Réjouissez-vous, nations avec Son peuple! Et encore: Louez le Seigneur toutes les nations; que tous les peuples chantent sa louange. A son tour, Isaïe déclare: Il paraitra le rejeton de Jesse, Celui qui se lève pour commander aux nations; en Lui les nations mettront leur espérance » (Rom. 15,7-12)[36].

Fiscus Iudaicus sous Domitien (81-96 après le Chr.)

Domitien, successeur du Christ a étendu le cercle des redevables de la taxe y incluant des prosélytes, ainsi que ceux qui « vivaient selon les coutumes juives » (qui … improfessi Iudaicam viverent vitam), même si formellement ils ne s’avouaient pas Juifs. Voilà l’enregistrement précis de Suétone,  indiquant le changement concernant  Fiscus Iudaicus imposé par Domitien:

Praeter ceteros Iudaicus fiscus acerbissime actus est; ad quem deferebantur, qui vel improfessi Iudaicam viverent vitam, vel dissimulata origine imposita genti tributa non pependissent (De vita caesarum, Domitianus, 12,1-2).

Alors, à part les Juifs confessant le judaïsme, avouant la foi de leurs pères et pratiquant les coutumes juives, l’impôt fut aussi imposé à d’autres catégories de personnes. Les chercheurs proposent une large gamme de ces catégories. Le groupe de personnes couvertes par l’impôt pouvait  comprendre „craignant Dieu”(gr. theosebeis ou  foboumenoi ton Theon), c’est-à-dire ceux qui étaient adeptes du monothéisme même s’ils ne devinrent pas  prosélytes ; s’y ajoutent des prosélytes, des personnes sympathisant avec le judaïsme, des Juifs apostats, d’autres circoncis, judéo-chrétiens et ethno chrétiens[37]. Cela signifie que l’impôt couvrit  également   des personnes n’étant pas adeptes du judaïsme mais d’une certaine manière liées à cette  religion. Il peut s’y agir aussi des Gentils qui se distinguaient d’au moins un des traits mentionnés ci-dessous:

  • vénéraient la religiosité juive;
  • reconnaissaient la puissance de Dieu en qui croyaient les Juifs;
  • étaient bénéficiaires ou amis des Juifs;
  • observaient au moins une des habitudes propres aux Juifs;
  • rejoignirent des communautés juives en tant que convertis ou bien des communautés chrétiennes perçues par l’état comme juives.

Avec les groupes de contribuables ainsi définis  Fiscus Iudaicus  pouvait en réalité se rapporter, comme sous les deux empereurs précédents, à des chrétiens d’origine juive ou païenne.  Fut-il ainsi en réalité ?  Suétone fournit une information importante: il y aurait même des cas où l’on vérifiait si les vieillards de quatre-vingt-dix ans étaient circoncis (De vita caesarum, Domitianus, 12,1-2)[38]. Si les judéo-chrétiens étaient soumis à un test pareil, il est entendu qu’ils étaient aussi appelés à payer l’impôt[39]. Par ailleurs,  il ne faut pas oublier que sous Domitien, les judéo-chrétiens étaient toujours perçus par les autorités, comme dans la période de Vespasien et Titus en tant qu’adeptes du judaïsme. Même si certains judéo-chrétiens affirmaient qu’ils n’étaient plus juifs (s’il y en avait), toujours est-il qu’ils se trouvaient dans la catégorie de ceux qui « cachaient leur origine  et ne voulaient pas payer l’impôt imposé sur  le peuple » (dissimulata origine imposita genti tributa non pependissent).

Les gentils qui désiraient adhérer  à la foi chrétienne se rendaient certainement compte qu’ils pourraient être perçus par les autorités comme ceux qui vivaient à la manière juive, c’est pourquoi ils seraient obligés de payer Fiscus Iudaicus. Ils n’avaient qu’à choisir l’un des quatre chemins: ne pas recevoir le christianisme; le faire d’une façon cachée; rejoindre explicitement l’Eglise et payer l’impôt; joindre à l’Eglise et éviter de payer  Fiscus Iudaicus, en s’exposant aux représailles et à la saisie de biens[40]. Les chercheurs n’ont toujours pas fini le débat pour dire quelle était l’envergure de persécutions des chrétiens sous Domitien. En dehors de quelques rares exceptions[41], la plupart des scientifiques reconnaissent comme réelles  les persécutions des disciples du Christ dans les années quatre–vingts du premier siècle. Cependant, il manque d’unanimité quant au fait si lesdites représailles couvrirent  tout l’empire ou furent  purement locales. L’analyse des documents de source (Dio Cassius,  Histoire romaine 67,14; Tertullien, Apologeticum  5,4; Première  Lettre de Clément 1,1; Pline le Jeune, Epistulae 10,96) permet d’adopter l’idée que ce furent des persécutions à l’échelle locale, mais au cours du règne de l’empereur, elles s’intensifièrent[42].

Bien qu’il n’y ait aucun argument basé sur des sources qui d’une façon irréfutable justifierait la thèse que sous Domitien  les ethno chrétiens furent contraints de payer Fiscus Iudaicus, il semble qu’elle contient un certain degré  (élevé) de probabilité[43]. Il est possible qu’en écrivant sa lettre aux ethno chrétiens habitant à Rome, Pierre avait à l’esprit justement    Fiscus Iudaicus. Voilà comment il encourage ses destinataires: „Soyez soumis à toute institution humaine à cause du Seigneur: soit au roi, comme souverain, soit aux gouverneurs, comme envoyés par lui pour punir ceux qui font le mal et féliciter ceux qui font le bien. Car c’est la volonté de Dieu qu’en faisant le bien vous fermiez la bouche à l’ignorance des insensés. Agissez en hommes libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur leur malice, mais en serviteurs de Dieu. Honorez tout le monde, aimez vos frères, craignez Dieu, honorez le roi ! » (1P 2,13-17). Face à la persécution croissante, l’auteur de la lettre  encourage ses coreligionnaires à éviter toute provocation des autorités romaines[44].

D’éventuelles allusions à Fiscus Iudaicus comprises dans les encouragements de l’auteur de la lettre  ne seraient possibles que si l’on supposait que celle-ci fut  rédigée après l’an 70, donc après la mort de l’apôtre. La datation traditionnelle montre plutôt les années  63–64. Se peut-il que la lettre de Pierre ait été rédigée après l’introduction de Fiscus Iudaicus? Il paraît que oui. Il y a quelques raisons pour cela. La première est une grande expansion du christianisme dans les diverses provinces de l’Asie Mineure. Parmi ceux à qui fut adressée la lettre, l’auteur énonce les habitants de Pont, de  Galatie, de Cappadoce, d’Asie et de Bithynie (1P 1,1). Dans les années cinquante, l’apôtre Paul mena l’activité missionnaire dans les  zones habitées par certains destinataires de la lettre ; cependant cette activité ne couvrait pas Pont, la Bithynie ni la Cappadoce. Il  fallut du temps pour que le christianisme se répande dans ces provinces. La seconde raison en faveur d’une date tardive de la lettre est le fait que Rome y était  défini comme „Babylone”, et ce nom fut conféré à la capitale de l’empire après la destruction du temple, donc après l’an 70[45]. La troisième raison, c’est l’objet de la lettre; il ne s’agit plus des conflits à l’intérieur de l’Eglise (comme  dans les lettres de Paul), mais de la relation entre les chrétiens et les gentils qui deviennent une menace. La terminologie chrétienne se développe: apparaît le terme  christianos (1P 4,16), que nous ne voyons pas chez Paul mais qui se trouve dans les Actes des Apôtres créés après l’an  70[46]. Il est donc raisonnable de supposer que la lettre fut  rédigée après la mort de Pierre et après la destruction du temple de Jérusalem. Terminus ad quem c’est certainement l’année 95, car c’est alors que parut  La Première Lettre de Clément de Rome aux Ephésiens, qui est basée sur la Première Lettre de saint Pierre[47]. Il semble  même que  terminus ad quem puisse  être déplacé sur une décennie plus tôt, dans l’année 85, en effet c’était probablement alors que s’intensifièrent les représailles contre les chrétiens, et dans 1P la situation des disciples du Christ n’était pas  encore si dramatique[48]. Dans un tel cas, il paraît  juste d’observer que cité ci-dessus l’appel de l’auteur de la lettre à obéir à toute autorité peut contenir une allusion à  Fiscus Iudaicus.

Cette allusion à l’impôt juif devient encore plus probable dans le contexte rappelant les souffrances des autres chrétiens que les destinataires de la lettre : « Vous savez bien que c’est le même genre de souffrance que subit la communauté des frères » (1P 5,9). La traduction de la Bible de Millénaire est ici quelque peu inexacte car l’auteur de la lettre parle de « la fraternité sur laquelle sont imposées des souffrances ». Le terme  epiteleisthai se rap- porte parfois à l’imposition de l’impôt. Si l’on adoptait cette nuance, le verset devrait se traduire comme suit: « vous savez bien que vos frères dans le monde paient le même impôt de souffrances »[49]. En l’état actuel de la recherche, il est difficile de déclarer  nettement si dans  1P 5,9 se trouve une allusion à  Fiscus Iudaicus. Si pourtant la réponse à cette question était affirmative, cela signifierait qu’au moment de la rédaction de la lettre, l’impôt aurait pu être utilisé comme moyen de persécuter non seulement les judéo-chrétiens mais aussi les adeptes du Christ d’origine païenne.

Au début des années quatre-vingt-dix,  dans le milieu de l’académie de Jabné a lieu une  rupture formelle  des liens religieux entre  l’Eglise et la Synagogue. Pour le moment, cette rupture s’opère seulement sur le plan religieux et n’a pas encore la dimension politique. Le signe le plus marquant de la séparation religieuse des deux communautés fut  l’introduction de la douzième bénédiction dans la prière appelée Shemone Esre ; les Juifs furent obligés de la dire[50]. Bien que jusqu’à présent ne se soient pas arrêtés les différends pour savoir qui se cache exactement sous le terme  minim, la prière appelée „la bénédiction des hérétiques” (hebr. birkat ha-minim) concerne avec toute certitude les chrétiens car même si les rabbins voyaient se cacher quelqu’un d’autre que les chrétiens  sous le terme  minim , dans la version palestinienne de la prière apparaissent aussi  nocrim (« Nazaréens »), identifiés avec les disciples du Christ de Nazareth. Le judaïsme rabbinique, originaire de l’environnement de Jabné se coupe donc décidément du christianisme[51]. Cette coupure entre le judaïsme et le christianisme dans la dimension religieuse n’aura pas pendant quelques années d’effets politiques ce qui veut dire que les autorités romaines continuaient de percevoir, du moins les judéo-chrétiens comme  Juifs.

Pour résumer cette partie de nos réflexions, il convient de constater que même si nous n’avons pas de sources qui présenteraient directement l’attitude des chrétiens face à  Fiscus Iudaicus, on peut tisser des suppositions se caractérisant par un degré élevé de probabilité. L’impôt fut  imposé sur les Judéo-chrétiens vu leur circoncision et ils étaient contraints de le payer même s’ils ne ressentaient plus aucun lien avec la Synagogue. Il en était un peu autrement avec les ethno chrétiens. Avant qu’ils aient adopté  la foi en Christ, le judaïsme leur était étranger. Non seulement ils ne connaissaient pas ses règles mais en plus, ils ne s’identifiaient absolument pas à ses adeptes. Qui plus est, déjà sous Domitien, les communautés juives étaient décidément  hostiles aux chrétiens.  Par contre, ces derniers eurent  renoncé à de nombreuses coutumes juives; tout d’abord, ils arrêtèrent de célébrer le sabbat, de se faire circonscrire  et de manger de la nourriture casher. Bien qu’ils sachent que  la foi en  Christ était issue du judaïsme, eux-mêmes étaient loin de s’identifier aux Juifs. Il est donc naturel qu’ils ne voulaient ni ne payaient probablement pas l’impôt imposé par les autorités romaines sur les Juifs[52]. Même s’il manque de témoignages écrits à ce sujet-là, il n’est pas difficile de deviner que les chrétiens avaient le droit de considérer un tel état profondément injuste. En effet, dans la pratique, les chemins de l’Eglise et de la Synagogue eurent  déjà divergé et les deux communautés n’avaient plus beaucoup de commun  et en plus, elles étaient hostiles les unes aux autres[53]. Les Chrétiens se  trouvèrent  alors devant un grand dilemme face aux autorités romaines ; s’ils voulaient se garantir la sécurité, ils devaient soit faire un sacrifice aux idoles païennes, soit en l’honneur de l’empereur – en encourant ainsi le péché d’idolâtrie, ou bien s’identifier à la communauté juive (ce qui à l’époque signifierait pour eux renier la foi en Christ)  en acquittant Fiscus Iudaicus[54]. La tentation de profiter de la première option menaçait le plus les ethno chrétiens, l’autre séduisait les judéo-chrétiens. Beaucoup montre  que si l’on datait l’Apocalypse de Saint-Jean dans l’époque des dernières années  du régime de Domitien[55], l’auteur ferait  allusion aux uns et aux autres apostats de la foi.  La secte des Nicolaïtes agissant à Ephèse et à Pergame et aux membres de laquelle on reprochait « de manger des viandes offertes aux idoles et de se prostituer »  (AP 2,14b)   penchait pour les sacrifices faits aux dieux païens ;  par contre, certains membres de l’Eglise à Smyrne et à Philadelphie   qui « se disent Juifs et ne le sont pas car  ils sont une synagogue de Satan » ” (Ap 2,9c; voir 3, 9, c) inclinaient pour la Synagogue.

Chrétiens exonérés de l’impôt par Nerva  (96-98 après Chr.)

En matière d’acquittement Fiscus Iudaicus, la situation a changé après la mort de Domitien (96 après Chr.). Nerva a limité l’obligation de payer l’impôt aux Juifs observant le sabbat et maintenant d’autres coutumes des pères. Par contre, ceux qui n’étaient pas Juifs bien que l’on dise qu’ils „vivaient à la manière juive „ ont été exonérés de la contrainte de payer  Fiscus Iudaicus.  En outre, accuser quelqu’un de vivre « à la manière juive » fut interdit (Dio Kasjus, Historia romana 68,1-2)[56]. L’empereur voulut certainement gagner en popularité   auprès des habitants de l’empire en atténuant les décisions impopulaires de son prédécesseur. Introduite à l’époque, une nouvelle définition des Juifs comme ceux qui observaient les coutumes de leurs pères  ne comprenait plus les judéo-chrétiens car ceux-ci eurent quitté  les pratiques de judaïsme. La détermination de l’appartenance aux Juifs prit donc  plutôt un caractère religieux qu’ethnique[57]. Les païens commencèrent  aussi à percevoir les chrétiens comme ceux qui non seulement eurent  abandonné les cultes des dieux grecs et romains mais se furent  également séparés du judaïsme. Cette perception des chrétiens  survécut de longues années. Un peu plus d’un siècle après dans Contra Celsum, Origène  attribua à son adversaire, païen, les paroles adressées aux chrétiens :

« Je leur demanderai d’où ils sont venus ou bien qui est créateur de leurs lois  traditionnelles. Personne, me répondront–ils. En fait, ils proviennent du judaïsme et ne peuvent pas indiquer une origine différente de leur maitre et leurs meneurs. Cependant, malgré ce fait, ils se sont rebellés contre les Juifs » (5,33).

Ailleurs dans le même ouvrage, une reproche similaire contre les chrétiens  sort de la bouche d’un adversaire juif: « Pourquoi étant issus de notre religion, une fois que vous avez progressé dans les connaissances, vous n’accordez pas d’importance à ces choses bien que vous ne sachiez indiquer aucune autre source de votre foi à part nos lois? » (2,4). Les fragments ci-dessus démontrent qu’à l’époque d’Origène tant les Juifs que les païens percevaient  les chrétiens comme ceux qui n’avaient  plus de liens avec la Synagogue.

Mais en revenant au régime de Nerva, les monnaies frappées par lui portaient l’inscription:  FISCI IUDAICI CALUMNIA SUBLATA[58]. Au sein des chercheurs se poursuivent des discussions sur le sens exact de cette inscription. Cependant nombreux sont ceux qui s’accordent à dire qu’elle oscille autour de l’affirmation que « les reproches contre  Fiscus Iudaicus furent  annulées » et que « le déshonneur de l’impôt juif – aboli »[59]. Certains chercheurs sont prêts à reconnaître que c’est à cette situation que s’applique le passage de la Lettre aux Hébreux: « Souvenez-vous de ces premiers jours où vous veniez de recevoir la lumière du Christ : vous avez soutenu alors le dur combat des souffrances, tantôt donnés en spectacle sous les insultes et les brimades, tantôt solidaires de ceux qu’on traitait ainsi. En effet, sous avez montré de la compassion à ceux qui étaient en prion ; vous avez accepté avec joie qu’on vous arrache vos biens, car vous étiez surs de posséder un bien encore meilleur et permanent » (Hbr 10,32-34). Dans ces quelques lignes se reflète la situation des chrétiens sous Domitien que l’auteur de la lettre considère comme celle  du passé ce qui prouverait que la lettre eut été créée après l’année 96, probablement dans la période de Nerva. Deux expressions utilisées par l’auteur de la lettre rappellent verbalement les mentions de Suétone bien que la première lettre ait été rédigée en grec et la seconde- en latin. L’auteur de la Lettre aux Hébreux félicite les destinataires d’avoir accepté avec joie  « le vol de leurs biens »  (tēn harpagēn tōn hyparchontōn); Suétone affirme que Domitien n’hésita jamais  devant le pillage quel qu’il soit (nihil pensi habuit quin praedaretur omni modo) et que les biens des vivants ainsi que ceux des défunts furent  partout arrachés (bona vivorum ac mortuorum usquequaque quolibet… corripiebatur). La seconde phrase de la Lettre aux Hébreux concerne les personnes qui  vécurent „des diffamations publiques „ (theatridzomenoi); ce qui fait penser au contrôle public de la circoncision évoqué par Suétone. En dépit du fait que les ressemblances soient  frappantes, elles ne sont pas pour autant suffisantes afin de constater que l’auteur de la Lettre aux Hébreux fait allusion à  Fiscus Iudaicus. En adoptant la thèse sur une telle allusion, il aurait fallu reporter  la date de la lettre au moins à l’année 96 et ceci  paraît peu probable[60].

En tout cas, il ne fait aucun doute que la réforme fiscale introduite par Nèrve causa que les croyants en Christ cessèrent d’être  identifiés aux  Juifs par les autorités romaines. Cependant, leur situation ne s’améliora pas beaucoup.  Comme cela fut  montré ci-dessus,   si sous Domitien, les chrétiens refusaient de payer  Fiscus Iudaicus, ils risquaient la confiscation des biens : les croyants issus du judaïsme car aux yeux des autorités ils étaient juifs ; dérivés du paganisme comme ceux qui vivaient à la manière juive. Après l’année 96, reconnue par certains comme la date officielle de la rupture entre l’Eglise et la Synagogue,[61] les autorités impériales ne reconnaissaient plus les judéo-chrétiens en tant que Juifs  (c’est pour cela qu’ils n’étaient pas obligés de payer Fiscus Iudaicus)[62]. Néanmoins, ils furent reconnus pour pratiquant religio illicita, ce qui conduisit directement à l’ouverture des persécutions. Il s’agit de la seconde vague des persécutions de la part des autorités romaines, mais au caractère beaucoup plus répandue (la destruction des chrétiens par Néron fut  restreinte à la capitale de l’empire)[63]. Mais c’est une toute nouvelle période dans l’histoire de la jeune Eglise. Les chrétiens  achevèrent la période de paiement de  Fiscus Iudaicus;  commença le temps des persécutions sanglantes conduisant souvent au sacrifice de la vie.

Conclusion

En résumant les observations de ci-dessus, élaborées sur la base de l’analyse des références antiques concernant l’introduction et l’application de Fiscus Iudaicus ainsi que sur la confrontation de ces références avec des fragments bibliques et extrabibliques,  nous arrivons à la conclusion qu’après l’introduction par Vespasien de l’impôt en faveur du temple de Jupiter sur le Capitole à Rome, tant les Juifs que les chrétiens (du moins quelques–uns )   furent  couverts par l’obligation de l’acquitter jusqu’à l’année  96. Pour ce qui est des adeptes du Christ, la base adoptée pour l’impôt payé par les judéo-chrétiens différait de celle qui concernait les chrétiens issus du milieu païen. Les premiers étaient tout simplement considérés comme Juifs, et les autres pourraient être d’abord  (sous Vespasien et Titus) identifiés avec la communauté juive (comme ce fut  le cas sous Claudius à Rome), et à partir de l’époque de Domitien, ils étaient perçus en tant que « vivant à la manière juive ». Il semble qu’après la réforme fiscale introduite par Nerva, les autorités romaines ont commencé à traiter séparément les deux communautés (dans la dimension religieuse cela eut  déjà  lieu à Jabné environ l’année 90). Les Juifs devaient continuer de payer l’impôt, par contre les chrétiens en tant que confesseurs de religio illicita, furent considérés comme exerçant une superstition interdite  (lat. superstitio) ce qui les condamnait aux persécutions. La question de  Fiscus Iudaicus pourrait donc être l’un des facteurs de discorde entre l’Eglise et la Synagogue, surtout à l’époque où les confesseurs du Christ n’avaient pratiquement plus rien de commun avec la Synagogue (après l’année 90), et les autorités romaines les percevaient toujours comme ceux qui « vivaient à la manière juive » (jusqu’à l’année  96). En raison de la religion professée, ils durent  non seulement acquitter l’impôt juif au cours de cette période, en tant que les  personnes « vivant à la manière juive »  mais qui plus est, ils étaient menacés de persécutions pour avoir été accusés  d’athéisme.

 

Did Fiscus Iudaicus Influenced the Parting of the Ways Process between the Judaism and Christianity (70/71-98 A.D.)? A Historical-Theological Study

After the destruction of the Jerusalem Temple in 70 Vespasian introduced for all the Jews the tax called Fiscus Iudaicus. The tax was maintained by his successor Titus (79-81 A.D.), and also by Diocletian (81-96 A.D.) and Nerva (96-98 A.D.). Diocletian enlarged the population of those who were obligated to prosecute the Fiscus Iudaicus, including persons who “lived the Jewish way”. From 70/71 to 96 A.D. also Jewish-Christian and probably some of Pagan-Christian were obligated to pay the tax. The situation changed under Nerva in 96 A.D. In this article author – examining extra-biblical sources and biblical data – tries to answer the question, in which way the Fiscus Iudaicus influenced the parting of the way process between Judaism and Christianity.

 

[1] J. Lieu, „The Parting of the Ways”: Theological Construct or Historical Reality?, Journal for the Study of the New Testament 56 (1994), pp. 101-119.

[2] La première position scientifique sur le système d’imposition de l’impôt par l’empire romain  sur les Juifs à partir de l’année 63 avant Jésus – Christ nous  est venue de sous la plume du chercheur allemand Peter Zorn et était intitulée Historia Fisci Judaici Sub Imperio Veterum Romanorum: Qua Periodi Designantur Sceptri Judaeorum Ablati. Inseritur Commentarius In Nummum Thesauri Regii Prussici De Calumnia Fisci Iudaici Per Nervam Coccejum Imperatorem Romanum Sublata (Hamburg 1734).

[3] C’est à cet impôt que se réfère  Mt 17,24-27.

[4] Fiscus Iudaicus constituait non seulement une humiliation psychologie des Juifs qui étaient contraints de soutenir l’édifice  élevé en l’honneur d’un  dieu paien, mais aux yeux des Romains il devait être également un élément de dissuasion de faire du prosélytisme et d’adopter le judaïsme; M. Goodman, Diaspora Reactions to the Destruction of the Temple, [in :] Jews and Christians. The Parting of the Ways. A.D. 70 to 135, J.D.G. Dunn (ed.), Grand Rapids 1999, p. 30.

[5] M. Stern, Fiscus Judaicus, [in :] Encyclopedia Judaica, VII, F. Skolnik, M. Berenbaum (ed.), Detroit – New York – San Francisco – New Haven – Waterville – London 2007, p. 57.

[6] M. Heemstra, The Fiscus Judaicus and the Parting of the Ways, Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament 2/227, Tübingen 2010, p. 10.

[7] Il est possible que l’impôt sous le même nom ait déjà existé avant 70 et que les habitants de la province de Judée en aient été couverts. C’est sur les mêmes principes que fonctionnait Fiscus Asiaticus ou  Fiscus Alexandrinus; M. Alpers, Das nachrepublikanische Finanzsystem. Fiscus und Fisci in der frühen Kaiserzeit, Untersuchungen zur antiken Literatur und Geschichte 45, Berlin – New York 1995, pp. 281-301.

[8] Après la première insurrection juive n‘eut lieu aucun changement dans le statut juridique des Juifs dans l’empire; J. Ciecieląg, Powstanie Bar Kochby. 132 – 135 po Chr., Bitwy / Taktyka  23, Zabrze 2008, p. 22.

[9] Un demi – sicle est équivalent de deux deniers romains ou d’un  didrachme attique.

[10] J. Ciecieląg, Powstanie Bar Kochby. 132 – 135 po Chr., p. 25.

[11] Corpus Inscriptionum Latinorum, F. Ritschl [et d’autres] (édit.), Berlin 1962,  4.8604.

[12] M. Heemstra, How Rome’s Administration of Fiscus Judaicus Accelerated the Parting of the Ways between Judaism and Christianity. Rereading 1 Peter, Revelation, the Letter to the Hebrews, and the Gospel of John in their Roman and Jewish Context, Groningen 2009, p. 14. D’après certains auteurs, l’impôt s’appliquait à tous les Juifs agés de trois à soixante ans; M. Goodman, Diaspora Reactions to the Destruction of the Temple, p. 30.

[13] M. Stern, Fiscus Judaicus, p. 57.

[14] Corpus Papyrorum Judaicarum, I, V. Tcherikover, A. Fuks, M. Stern (ed.), Cambridge 1957, 160-229.

[15] Corpus Papyrorum Judaicarum 421.

[16] Corpus Papyrorum Judaicarum 460.

[17] K. Schubert, Židovské náboženství v proměnách vĕků. Zdroje. Teologie. Filosofie. Mystika, Vyšehrad 1995, p. 31.

[18] Une transformation similaire subit en traduction l’avertissement de Dieu adressé à ceux qui „brulent de l’encens sur des briques“  (Is 65,3); dans  LXX, Dieu avertit ceux qui, „brulent de l’encens à des démons“. „Satires” de Iz 13,21 deviennent „démons“ dans le texte grec. „Il faut se souvenir également que dans les plus anciennes croyances juives (c.-à-d. d’avant l’exil) il y avait des figures de démons et de mauvais esprits correspondant aux anciennes divinités cananéennes”; A.M. di Nola, Diabeł. O formach, historii i kolejach losu Szatana, a także o jego powszechnej a złowrogiej obecności wśród wszystkich ludów, od czasów starożytnych aż po teraźniejszość, trad. I. Kania, Kraków 1997, p. 154.

[19] K. Kościelniak, Zło osobowe w Biblii. Egzegetyczne, historyczne, religioznawcze i kulturowe aspekty demonologii biblijnej, Kraków 2002, pp. 106-125; E. Dąbrowski, Listy do Koryntian, Poznań 1965, pp. 224-227; M. Rosik, Biblia o bałwochwslastwie, [in:] Bogowie i ich ludy. Religie pogańskie a procesy tworzenia się tożsamości kulturowej, etnicznej, plemiennej i narodowej w średniowieczu, L.P. Słupecki (ed.), Wrocław 2008, pp. 11-30.

[20] J.J. Collins, Natural Theology and Biblical Tradition: The Case of Hellenistic Judaism, Catholic Biblical Quarterly 60 (1998), p. 7.

[21] Pour se couper de l’Eglise tentaculaire, vers la fin du I siècle, les rabbins ont décidé que le terme  „Père” par rapport à Dieu n’est pas biblique, même si sur les pages de la Bible hébraïque, Dieu est plusieurs fois appelé ainsi et présente des traits paternels à l’égard d’Israël  (Ps 103, 13; Prz 3, 12; Lb 11, 12; Wj 4, 22; Pwt 32. 6. 18; Oz 11, 1; Iz 1, 2; Jr 31, 9); W. Chrostowski, Bóg jako Ojciec w judaizmie, [in:] „Ty, Panie, jesteś naszym Ojcem (Iz 64,7). Biblia o Bogu Ojcu, F. Mickiewicz, J. Warzecha (ed.), Rozprawy i Studia Biblijne 5, Warszawa 1999, pp. 205-207.

[22] M. Eliade, Historia wierzeń i idei religijnych, I, Od epoki kamiennej do misteriów eleuzyńskich, trad. S. Tokarski, Warszawa 1988, pp. 180-181.

[23] G. Rachet, Słownik cywilizacji greckiej, trad. E. Papuci-Władyka, Katowice 1998, p. 224.

[24] G. Shaw, Religie misteryjne, [in:] Słownik wiedzy biblijnej, B.M. Metzger, M.D. Coogan (ed.), trad. A. Karpowicz, Warszawa 1996, p. 683.

[25] D.E. Smith, From Symposium to Eucharist: The Banquet in the Early Christian World, Minneapolis 2003, pp. 3-171.

[26] C.S. Keener, Komentarz historyczno-kulturowy do Nowego Testamentu, trad. Z. Kościuk, Warszawa 2000, p. 358.

[27] T. Söding, Starke und Swache. Der Götzenopferstreit in 1Kor 8-10 als Paradigma paulinischer Ethik, Zeitschrift für die neutestamentliche Wiessenschaft 85 (1994), pp. 69-92; J.C. Brunt, Rejected, Ignored or Misunderstood? The Fate of Paul’s Approach to the Problem of Food Offered to Idols in Early Christianity, New Testament Studies 31 (1985), pp. 113-124; G.W. Dawes, The Danger of Idolatry: First Corinthians 8,7-13, Catholic Biblical Quarterly 58 (1996), pp. 82-98; B.N. Fisk, Eating Meat Offered to Idols. Corinthian Behavior and Pauline Response in 1 Corinthians 8-10 (A Response to Gordon Fee), Trinity Journal 10 (1989), pp. 49-70.

[28] Sur la base de ce passage, dans la théologie morale, on parle de la conscience erronée invincible (constientia invincibilis falsa); même si quelqu’un possède une conscience mal formée, et agit contre elle, commet un péché.

[29] C.J. Hurd, The Origin of 1 Corinthians, Macon 1983, pp. 138-141.

[30] En parlant dans la présente étude des judéo-chrétiens, nous avons à l’esprit ces Juifs qui ont cru que Jésus était  Messie et qui ont persisté dans la même communauté avec les croyants en Christ issus du paganisme, sans pour autant les inciter à adopter des lois et coutumes juives. Cette définition ne comprend donc pas p.ex. les Ebionites qui n’acceptaient pas les Gentils dans leur communauté ou ne le faisaient qu’après l’adoption du judaïsme par eux; J.A. Fitzmyer, The Qumran Scrolls, the Ebionites and their Literature, Theological Studies 16 (1955), pp. 335-372.

[31] A. Oppenheimer, Messianismus in römischer Zeit. Zur Pluralität eines Begriffes bei Juden und Christen, dans: Between Rome and Babylon. Studies in Jewish Leadership and Society, Tübingen 2005, p. 265.

[32] Joseph Flavius atteste l’attitude de Claudius envers les Juifs lorsqu’il cite son décret: „Dans le meme temps, je les (les Juifs) admoneste de ne pas abuser de ma bonté et de ne pas mépriser les croyances des autres nations mais de respecter leurs propres lois” (Antiquitates judaicae 19, 290). En s’appuyant sur les informations que parmi les Juifs, il y a des différends concernant le Christ, Suétone croyait sans doute que le Christ était  en ce moment à Rome; F.F. Bruce, Wiarygodność pism Nowego Testamentu, [aucun traducteur], Katowice 2003, p. 152.

[33] R. Penna, Les Juifs à Rome au temps de l’apôtre Paul, New Testament Study 28 (1982), p. 328.

[34] Comme nous le savons, l’apotre des nations était d’avis que les paiens souhaitant adhérer à la foi chrétienne n’ont pas à garder les coutumes juives ni faire la circoncision; il suffit d’abandonner l‘idolatrie (1Tes 1,9).

[35] Datation de la rencontre des apotres à Jérusalem, un peu différente de la traditionnelle, adoptée d’après: W. Rakocy, Paweł Apostoł. Chronologia życia i pism, Częstochowa 2003, pp. 152-154.

[36] E.F. Harrison, Romans, [in:] The Expositor’s Bible Commentary with The New International Version of The Holy Bible, X, F.E. Gaebelein (ed.), Grand Rapids 1984, p. 153. Citations contenues dans ce document viennent de  2Sm 22,50; Ps 18 [17],50; Pwt 32,43 (LXX); Ps 117 [116],1; Iz 11,1.10; 42,4. Paul, dans le vrai style rabbinique sélectionne des fragments de tous les  trois recueils de livres de la Bible hébraique – de la Loi, des Prophètes et des Ecrits afin de donner une plus grande crédilité à son  argumentation.

[37] Un vaste aperçu d’opinions proposées par différents auteurs se rapportant aux catégories de personnes couvertes par  Fiscus Iudaicus présente  M. Heemstra; The Fiscus Judaicus and the Parting of the Ways, Tübingen 2010, p. 33.

[38] M. Heemstra, The Fiscus Judaicus and the Parting of the Ways, p. 14.

[39] C’est pour la même  raison que pourraient etre poussés à payer  Fiscus Iudaicus ceux qui avaient été circoncis bien qu’ils n’aient jamais été  Juifs. Le simple fait de la circoncision était suffisant pour jeter sur eux la suspicion de cacher leurs origines; „Die Steuerpflicht wurde auch aufgebürtige Juden ausgedehnt, die ihr Judentum, sei es in Folge von Assimilation oder durch Übertritt zum Christentum in gemischten Gemeinden nicht mehr praktizierten”; W. Stenger, Gebt dem Kaiser, was des Kaisers ist..!’ Eine Sozialge-schichtliche Untersuchung zur Besteuerung Palästinas in neutestamentlicher Zeit, Athenäums Monografien. Theologie. Bonner biblische Beiträge LXVIII, Frankfurt am Main 1988, p. 108.

[40] Sur la confiscation des biens voir: Eusèbe de Césarée, Historia ecclesiastica 3,17.

[41] Ce point de vue a été  proposé, il y a près d’un siècle par  E.T. Merrill (Essays in Early Christian History, London 1924, pp. 148-173). Sa voix a été  suivie par  L.L. Wellborn (On the Date of First Clement, Biblical Research 29 (1984), pp. 35-53) et F.G. Downing (Pliny’s Percecutions of Christians: Revelation and 1 Peter, Journal for the Study of the New Testament 34 (1988), pp. 105-123).

[42] L’analyse détaillée de ces sources a été  effectuée par  R.E. Brown (An Introduction to the New Testament, The Anchor Bible Reference Library, New York – London – Toronto – Sydney – Auckland  1996, pp. 805-811).

[43] M. Heemstra, How Rome’s Administration of Fiscus Judaicus Accelerated the Parting of the Ways between Judaism and Christianity. Rereading 1 Peter, Revelation, the Letter to the Hebrews, and the Gospel of John in their Roman and Jewish Context, pp. 37-38.

[44] P.H. Davids, The First Epistle of Peter, The New International Commentary on the New Testament, Grand Rapids 1990, pp. 98-104.

[45] La détermination de Rome comme Babylone apparait également dans le livre de l’Apocalypse  (14,8; 16,19; 17,5; 18,2.10.21) et dans  l’Apocalypse de Baruch  (11,1; 67,7; 77,12.17) ainsi que dans le quatrième Livre d’Esdras  (3,1; 28,31).

[46] S. Hałas conclut son raisonnement sur la date de la création de la lettre avec les mots suivants: „nous pouvons raisonnablement penser la Première Lettre de St Pierre avait été  rédigée dans les années soixante-dix ou quatre-vingts après le Christ. Elle ne fait donc pas partie des premiers écrits du Nouveau Testament ni des plus tardifs. Elle se situe quelque part dans la période intermédiare de leur création, donc après 70 ou peut-etre un peu plus tard”; Pierwszy List św. Piotra. Wstęp, przekład z oryginału, komentarz, Nowy Komentarz Biblijny – Nowy Testament XVII, Częstochowa 2007, p. 31. Comp. aussi: D.G. Horrell, The Product of Petrine Circle? A Reassessment of the Origin and Character of 1. Peter, Journal for the Study of the New Testament 86 (2002), pp. 29-30; J. Prasad, Foundations of the Christian Way of Life according to 1 Peter 1, 13-25. An Exegetico-Theological Study, Analecta Biblica 146, Roma 2000, p. 8.

[47] E. Bosetti, Cristo e la Chiesa nella Prima Lettera di Pietro, Bologna 1990, pp. 287-289.

[48] M. Heemstra, How Rome’s Administration of Fiscus Judaicus Accelerated the Parting of the Ways between Judaism and Christianity. Rereading 1 Peter, Revelation, the Letter to the Hebrews, and the Gospel of John in their Roman and Jewish Context, p. 108.

[49] J.H. Elliott, 1 Peter. A New Translation with Introduction and Commentary, New York 2000, pp. 861-862.

[50] H. Lempa, Modlitwa codzienna w judaizmie, Wrocławski Przegląd Teologiczny 4 (1996) 1, pp. 54-57. Comp. aussi: M. Wróbel, Birkat ha-Minim and the Process of Separation between Judaism and Christianity, The Polish Journal of Biblical Research 5 (2006) 2, p. 108; R. Kimelman, Birkat Ha-Minim and the lack of Evidence for an Anti-Christian Jewish Prayer in Late Antiquity, [in:] Jewish and Christian Self-Definition, E.P. Sanders (ed.), II, London 1981, p. 233; S.J. Joubert, A Bone of Contention in Recent Scholarship: The ‘Birkat ha-Minim’ and the Separation of Church and Synagogue in the First Century AD, Neotestamentica 27 (1993) 2, pp. 351-363.

[51] M. Rosik, Zarzewie konfliktu między Kościołem a Synagogą (do 135 roku), [in:] Jezus i chrześcijanie w źródłach rabinicznych, K. Pilarczyk, A. Mrozek (ed.), Estetyka i Krytyka 27 (3/2012), Kraków 2012, pp. 69-104.

[52] M. Heemstra note: „There was not yet a persecution of Christians for being Christians, but Jewish Christians could be persecuted as Jewish tax evaders, which could lead to the confiscation of their property, and non-Jewish Christians could be persecuted on the charge of ‘living a Jewish life’, which could cost them their lives because they were regarded as ‘illegal atheists’“; How Rome’s Administration of Fiscus Judaicus Accelerated the Parting of the Ways between Judaism and Christianity. Rereading 1 Peter, Revelation, the Letter to the Hebrews, and the Gospel of John in their Roman and Jewish Context, p. 226.

[53] M. Heemstra pense que l’hostilité aux chrétiens se manifestait chez les Juifs par la dénonciation  aux autorités romaines que les disciples du Christ ne payaient pas ledit impôt. Cependant l’argumentation de  Heemster n’est pas convaincante car elle implique de trop nombreuses hypothèses; How Rome’s Administration of Fiscus Judaicus Accelerated the Parting of the Ways between Judaism and Christianity. Rereading 1 Peter, Revelation, the Letter to the Hebrews, and the Gospel of John in their Roman and Jewish Context, pp. 136-140.

[54] C.J. Hemer, The Letters to the Seven Churches of Asia in their Local Setting, Journal For the Study of the New Testament. Supplement Series 11, Shefield 1986, pp. 7-8.

[55] Cette datation est adoptée par M. Wojciechowski dans son plus récent commentaire polonais sur l’Apocalypse. L’auteur note: Il convient donc de choisir les temps de Domitien, quelque part dans le milieu des années quatre-vingt-dix. C’est le point de vue dominant des chercheurs d’aujourd’hui”; Apokalipsa świętego Jana. Objawienie, a nie tajemnica. Wstęp, przekład z oryginału, komentarz, Nowy Komentarz Biblijny. Nowy Testament 20, Częstochowa 2012, p. 55.

[56] On ne sait pas exactement quand l’impôt a été aboli. Ce n’est peut-être qu’à la fin du  II siècle dans.; L.H. Feldman, The Jews and the Gentiles in the Ancient World: Attitudes and Interactions from Alexander to Justinian, Princeton 1993, p. 100. Pour plus d’informations sur les changements dans les questions relatives à l’impôt imposé aux Juifs dans le deuxième siècle, voir: F. Millar, The Fiscus in the first two centuries, Journal of Roman Studies 53 (1963), pp. 29-42; P.A. Burnt, The ‘Fiscus’ and its Developement, Journal of Roman Studies 56 (1966), pp. 75-91; A. Carlebach, Rabbinic References to Fiscus Iudaicus, Jewish Quarterly Review 64 (1975), pp. 57-61; M. Goodman, The Fiscus Judaicus and Gentile Attitude to Judaism in Flavian Rome, [in:] Flavius Josephus and Flavian Rome, J. Edmondson, S. Mason, J. Rives (ed.), Offord 2005, pp. 167-177; M. Goodman, The Meaning of ‘Fisci Judaici Calumnia Sublata’ on the Coinage of Nerva, [in:] Studies in Josephus and the Varieties of Ancient Judaism, S.J.D. Cohen, J.J. Schartz (ed.), Ancient Judaism and Early Christianity 67, Leiden – Boston 2007, pp. 81-89.

[57] D.R. Edwards, Religion and Power: Pagans, Jews, and Christians in the Greek East, Oxford 1996, p. 69.

[58] „Nerva had probably connived in Domitian’s murder and thus had a strong interest in winning popular support in Rome by countermanding his predecessor’s unpopular actions. His coins proclaim FISCI IUDAICI CALUMNIA SUBLATA. The precise translation of this phrase is uncertain, but its most likely meaning is „the malicious accusation with regard to the Jewish tax has been removed”. It is reasonable to surmise that from now on those who wished to deny their Jewishness could do so”; M. Goodman, Diaspora Reactions to the Destruction of the Temple, p. 33. R.S. Kraemer, On the Meaning of the Term „Jew“ in Graeco-Roman Inscriptions, The Harvard Theological Review 82 (1989), pp. 35-53.

[59] M. Goodman, The Meaning of ‘Fisci Iudaici Calumnia Sublata’ on the Coinage of Nerva, pp. 81-90; M. Whittaker, Jews and Christians: Graeco-Roman Views, Cambridge 1984, p. 105.

[60] L. Morris, Hebrew, [in:] The Expositor’s Bible Commentary with The New International Version of The holy Bible, XII, F. E. Gaebelein (ed.), Grand Rapids 1984, p. 8; H.W. Montefiore, A Commentary on the Epistle to the Hebrews, London 1964, p. 3; F.F. Bruce, The Epistle to the Hebrew. Revised Edition, The New International Commentary on the New Testament, Grand Rapids 1990, pp. 20-22.

[61] I.A.F. Bruce, Nerva and the Fiscus Iudaicus, Palestine Exploration Quarterly 96 (1964), pp. 34-45; M. Goodman, Nerva, the Fiscus Judaicus and Jewish Identity, Journal of Roman Studies 79 (1989), pp. 40-44. „After A.D. 96, then, the definition of Jew by the Roman state was, for the purpose of the tax, a religious one. For Romans, Jews were those who worshipped the divinity whose temple had been destroyed in Jerusalem and who refused worship to the other gods”; M. Goodman, Diaspora Reactions to the Destruction of the Temple, p. 34.

[62] Il semble que dans les textes en dehors de la Bible, c‘est justement l’année 96 qui est la césure de la séparation entre chrétiens et Juifs. Cette distinction se voit tout d’abord chez Pline le Jeune (Epistulae 10,96): étant donné que les chrétiens ne sont pas considérés comme Juifs, ils ne paient pas l’impôt juif. La définition du judaïsme aux yeux des autorités romaines a alors été complétée comme suit: les Juifs,ce sont ceux qui adorent Dieu vénéré jadis dans le temple de Jérusalem et refusent d’adorer les idoles des Romains; M. Goodman, Diaspora Reactions to the Destruction of the Temple, p. 34.

[63] Déjà à l’époque de Domitien, les chrétiens ont été persécutés du fait qu’ils ne voulaient pas accorder à l’empereur le titre Dominus et Deus (Suétone, De vita caesarum, Domitianus 8,13). Il est très probable que déjà dans les années quatre –vingts du premier siècle, le christianisme était considéré comme religio illicita  bien que la législation romaine n’ait pas encore pu justifier de telles accusations; J.E.A. Crake, Early Christians and Roman Law, Phoenix 19 (1965), p. 70; T.D. Barnes, Legislation against the Christians, Journal of Roman Studies 58 (1968), p. 50.

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